Gifrants chante Haïti aux USA.

Publié le par Mariental

Aujourd’hui, nous faisons escale à Boston pour rencontrer un grand artiste haïtien de la chanson, Marcien Toussaint alias Gifrants. Il est non seulement un pilier de la diaspora haïtienne, mais un guitariste-chanteur bien connu qui se donne à fond pour faire flotter le « Bleu et Rouge » haïtien un peu partout dans la capitale touristique de Tonton SAM. Originaire du Cap-Haïtien, Gifrants vit aux USA depuis son jeune-âge et préserve toujours son accent du Nord. Ce n’est pas du tout surprenant s’il excelle en musique car en Haïti, les gens du Nord sont connus pour être presque tous des grands musiciens. Il est de nôtre ce poète haïtien tant apprécié par les new-yorkais et nous l’accueillons avec respect.


Bonjour Gifrants, il paraît qu’aujourd’hui encore, tu es toujours déterminé à relever le défit qui est celui de faire connaître son pays. D’où vient cette passion ?
Je suis un musicien haïtien qui  consacre sa vie à préserver notre musique et aussi à l'approcher d'une manière compétitive sur la scène mondiale de la musique.


Dis-nous comment tout à commencé et où tu en es maintenant?

Mes parents me répétaient toujours que je voulais une guitare quand j'avais 3 ans. Mais il m'a fallu attendre l'âge de treize ans pour apprendre à jouer. L'un des mes cousins est venu chez nous avec sa guitare et il m'a appris la chanson “Les Portes du Pénitencier.” C'était durant les vacances d'été de 1970. Je jouais de 4 heures du matin jusqu'aux environs de 8 heures du soir. « Les portes du Pénitencier » a été la seule chanson que j'ai interprétée pendant plus de 20 ans. J'ai commencé à écrire mes propres chansons de très tôt, d’abord en français et ensuite en créole. Mes efforts ont porté leur fruit car j'ai gagné le premier prix au premier Concours National de la St-Valentin organisé par la Radio Nationale et au second organisé par cette même station de radio pour la fête des mères en 1977. J’ai dû partir aux Etats-Unis pour y retrouver mes parents. Dès mon arrivée, j’ai continué à jouer. C’est ainsi que j’ai fait partie du groupe Guesly Morrisseaux Orchestra et j’ai formé Sakad ensuite. A partir de 1987, j’ai approfondi mes études en musique et commencé ma carrière de soliste, en lançant mon premier disque « Rara Mwe » en 1991. J’ai continué à explorer notre musique en jouant le hard vodou jazz, le soft vodou jazz et « Sérénade by Gifrants » en est la preuve. « Twoubadou Sèk » traduit notre musique folklorique et le créole jazz d’une manière plus sophistiquée. Toutefois, j’ai porté l’accent beaucoup plus sur notre musique folklorique avec mon groupe Segwe. « Vwa e Gita » est une série de 4 volumes et j’en ai déjà publiés 2 où je me consacre à l’adaptation de ma guitare aux sons de la musique haïtienne. Enfin, Natif est la dernière formulation de ma musique, un synopsis, si on peut dire, de mes recherches sur notre musique. Je souhaite ardemment que Natif aboutisse à un mouvement culturel lequel anticipera une révolution culturelle dans notre pays et dans la diaspora.


Actuellement, tu évolues en solo ou au sein d’un groupe ?
Cela dépend de ce que le client réclame. Je suis très flexible concernant l'instrumentation des mes performances–solo, duo, trio etc. Je suis aussi un arrangeur. Cela permet d’adapter ma musique au gré de mes inspirations et dépendant des requêtes de mes clients or des organisations pour lesquels je performe.


A ce jour, tu comptes combien d’album ? Quel est le titre du dernier ?
J'ai publié près d'une dizaine de CD. Le dernier est Vwa e Gita, Fyèten We.
Ma musique ne jouit pas d'une grande promotion et appréciation dans le milieu haïtien. Toutefois, je performe beaucoup dans le milieu étranger où ma musique est très goûtée. “Sa Nou blye, Nou Pap Fè” , “Tonfwi Defandi”, “Atchoukase”, “Koudfoud” sont des chansons qui sont fort appréciées au cours de mes performances.


Tu chantes beaucoup en créole ?

Je chante beaucoup plus en créole qu'en anglais. Je joue des “cocktail hours” dans beaucoup de mariages pour des étrangers. Toutefois, ils insistent beaucoup sur ma prestation en créole.


La plupart des chanteurs doivent leurs paroles à des particuliers. Est-ce le cas pour toi ?
Je suis aussi un compositeur. Je me suis efforcé à explorer cette aptitude et ce don que Dieu m’a donnés.


As-tu déjà évolué en Haïti?

J’ai évolué en Haïti seulement en deux fois. C’était en l’année 1999—une soirée avec mon cousin Boulo Valcourt, et l’autre avec le pianiste bien connu Réginald Policar. La réception n’a pas été très chaude car il existait à cette époque de fortes tensions sociales dans notre pays. La polarisation était manifeste durant mes deux performances—celle avec Boulo comptait surtout des participants Noirs, celle avec Réginald des mulâtres en très grande majorité. De plus, je revenais des Etats-Unis pour ces performances et à cette époque la diaspora représentait un grand problème sur la scène politique de notre pays.


Quelle différence fais-tu entre ton public haïtien et celui de New York?
Comme vous pouvez le voir, ce grand manque de performances dans mon pays ne me permet nullement d’évaluer d’une manière confortable la réception des ces deux audiences.

Quels conseils donnerais-tu aux jeunes artistes ?
L’artiste est parmi les trois grands groupes qui dirigent le monde à côté des politiciens et des savants. La liberté artistique ne doit nullement primer sur la responsabilité artistique. Il est important que l’artiste véhicule les coutumes, traditions et expériences courantes de sa société tout en ouvrant un horizon sur des cieux d’harmonie, d’amour et de progrès et en construisant des ponts pour éluder les tensions internationales. Dans notre cas, l’assimilation des valeurs occidentales et le phénomène d’acculturation sont en train de créer une dépersonnalisation de l’individu haïtien. Ce lent génocide culturel, si nous n’y mettons pas fin, tous ensemble, finira par causer l’écroulement définitif de notre nation et de notre peuple. Nous ne devons nullement trahir notre sang et notre âme. Nous devons apprécier qui nous sommes, chanter non seulement nos problèmes et nos luttes incessantes, mais aussi notre détermination, notre conviction pour surmonter ces difficultés immenses et embrasser une vision positive et meilleure pour notre pays et notre peuple, et la concrétiser. L’artiste haïtien a un rôle essentiellement important à jouer dans la survie de notre Nation. Je souhaite que non seulement nos artistes le comprennent mais aussi y participent au moyen de leurs possibilités. 

 

Le site Web de Gifrants:

www.gifrants.com

 

Publié dans Entretiens

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article